Le voyage du moi

Le contact du téléphone portable est perdu, St-Nazaire et la Bretagne disparaissent derrière nous sous la pluie, la mer agitée secoue le bateau selon un rythme insondable. Le bruit de base du moteur et des dizaines de grincements et de cliquetis plus ou moins forts m’accompagnent, ainsi que le sifflement de la ventilation, des secousses et des vibrations. Les bruits et les mouvements nous poussent en avant: en route!

Des milliers de miles nous attendent. Juste l’eau, les nuages, le ciel, le soleil, les étoiles. La nouvelle Lune. Après des heures, je fais abstraction de tout, l’environnement devient plus silencieux qu’il ne l’est. À un moment donné, un soupçon des Açores enveloppées de brume me parvient. Combien de temps sommes-nous déjà en route?

Rien ne se passe, rien que je doive faire, personne ne veut rien de moi, personne ne demande ce que je fais. Je me repose dans ces étendues apaisantes et dans ce cocon qui m’apporte la sécurité. La journée est rythmée par les repas. Le sommeil vient quand il veut. Lire, réfléchir, structurer, écrire, flâner et parler se relaient selon des règles insondables.

Le voyage à travers l’Atlantique devient un voyage en moi-même. Repos et approfondissement. Détente et poursuite de la réflexion. Être sans avoir à l’être. Loin de tout et connecté à tout ce qui est important. Et la poussée perpétuelle du bateau vers sa destination.