- Changement de perspective
" La notion d’identité prend un autre sens "
Les exigences en matière de logement ont fortement évolué au cours des dernières années : la mondialisation, la numérisation, l’allongement de l’espérance de vie, la migration, le changement climatique, les pandémies, les nouveaux environnements de travail et les projets de vie individuels sont autant de défis pour les planificateurs. Nos formes d’habitat sont aussi variées que les êtres humains que nous sommes. La manière dont nous habitons et le lieu où nous vivons en disent long sur nos valeurs, nos idées et nos besoins – et sur notre identité.
30.08.2022
Entretien avec Axel Simon, critique d’architecture et rédacteur à " Hochparterre "
Nous sommes de plus en plus nombreux et nous demandons plus de mètres carrés par personne. La demande de logements augmente alors que les ressources foncières sont limitées. La solution est le développement vers l’intérieur, la densification. Nous devons nous rapprocher les uns des autres. Comment les jeunes architectes, en particulier, abordent-ils ces défis ?
C’est vrai, nous devons nous serrer, car nous sommes de plus en plus nombreux et l’espace diminue en conséquence. Et il y a un autre facteur important qui vient compliquer les choses : la crise climatique. C’est le sujet numéro un, surtout pour les jeunes collègues. En termes d’architecture, cela signifie que nous ne pouvons plus construire comme nous l’avons fait pendant longtemps. Un exemple : les anciens lotissements sont des réservoirs de CO2. Lorsqu’ils sont remplacés, dans le cas extrême, moins de personnes y vivent qu’avant, parce que les nouveaux bâtiments ont accueilli des logements plus grands. Dans leurs contributions aux concours d’architecture, les jeunes professionnels ont aujourd’hui tendance à laisser les bâtiments en l’état. Les maîtres d’ouvrage ont toujours du mal à le faire. Dans les discussions à ce sujet, la question des générations devient évidente. Si nous voulons créer davantage de logements, nous devons construire. Mais justement, nous ne sommes pas obligés de démolir, nous pouvons compléter, agrandir, surélever.
Pour en savoir plus sur la surface habitable moyenne par habitant en Suisse.
Les personnes qui vivent dans une " tiny house " sont donc des précurseurs ? Est-ce l’avenir ou une simple tendance ?
Les " tiny houses " sont un symptôme. Elles sont l'expression d’un désir. Mais elles ne sont pas la solution à notre problème, plutôt une tendance alimentée par les médias, qui a l’air chic mais qui ne mène pas plus loin. Certes, ils sont petits, mais ils ont besoin de beaucoup d’espace. En principe, ce sont des ménages familiaux en miniature. Ils peuvent tout au plus combler des espaces vides.
" Les ‘ tiny houses’ ne résolvent aucun problème. C’est une tendance qui a l’air chic mais qui ne mène pas plus loin. "
Pourquoi sommes-nous si attachés au rêve de posséder une maison ?
Je pense que cela a quelque chose à voir avec la réalisation de soi. Faire quelque chose soi-même et le concevoir signifie avoir de l’espace. Dans sa propre maison, on peut vivre sa prétendue individualité, on peut s’aménager comme on le souhaite. Mais je pense que les nouvelles façons de vivre ensemble – appelons-les des formes d’habitat alternatives – permettent tout autant l’individualité et favorisent la communauté.
Confirmeriez-vous que le logement est toujours lié à l’identité, quel que soit le type de logement ?
Oui, en principe. Bien que la notion d’identité prenne de plus en plus un autre sens. Nous avons longtemps compris l’identité de la même manière que vous : chaque personne a une idée personnelle de la manière dont elle souhaite vivre ou se présenter. Dans le débat social actuel, l’identité est de plus en plus liée à l’appartenance à un certain groupe. L’identité est aujourd’hui davantage liée à des points communs, que ce soit l’âge, le sexe, l’ethnie, l’origine, qu’à l’individualité. On se considère par exemple comme bernois ou comme zurichois. Il est crucial pour nous de faire partie d’une communauté, même si nous apprécions l’anonymat d’une ville.
Cela signifie que même les ensembles d’habitations collectives à l’apparence anonyme – des " blocs " comme Tamedia les a qualifiés dans un article en mai dernier – ont un caractère identitaire ?
J’ai trouvé cet article du " TagesAnzeiger " très difficile. Beaucoup de choses ont été mises dans le même panier. Le constat est juste : ces boîtes existent. Et l’anonymat qui y règne vient de leur uniformité. Dans une ville, l’espace de la rue est bien plus déterminant que les bâtiments. Pensez à Berlin ou à une ville italienne. Les bâtiments sont très différents, éventuellement laids. Mais l’espace entre les deux – planté d’arbres, animé, lieu où les gens se rencontrent – donne du caractère à un quartier. Je pense que le problème dans l’agglomération est à plusieurs niveaux. Il y a d’abord l’argent. Le logement devient un objet de placement. Le sol fait l’objet d’un commerce, ce qui ne devrait pas être le cas, car le logement est un besoin fondamental. Pour les investisseurs, dont la priorité n’est pas la satisfaction du logement mais le placement financier, la qualité des espaces extérieurs ne joue qu’un rôle secondaire, et cela se voit. Bien sûr, il y a aussi une uniformité esthétiquement voulue que l’on peut reprocher aux architectes. Mais si vous regardez les concours de logements actuels, dans lesquels différents bureaux d’architectes se disputent la meilleure solution pour un lieu, vous trouverez de nouveaux bâtiments «riches» avec des espaces agréables à vivre entre eux. Mais ils sont en minorité.
" Le sol fait l’objet d’un commerce, ce qui ne devrait pas être le cas. "
Les " blocs " sont donc causés par des investisseurs qui recherchent un retour sur investissement maximal au lieu de la meilleure solution architecturale ?
Oui, pour moi, c'est l’une des raisons principales. Ce n’est pas la seule raison, mais sans doute la plus importante pour de telles constructions. Une bonne architecture a besoin de plus – pas nécessairement de plus d’argent, mais de plus d’attention et de soin.
" Hochparterre AG " est une maison d’édition pour l’architecture, la planification et le design à Zurich, fondée en 1988. " Hochparterre " publie un mensuel, une revue spécialisée, des cahiers thématiques, des livres, entretient un portail d’informations et organise des manifestations. L’entreprise est cliente de Stämpfli Communication depuis 2018.