Il était une fois une imprimerie…

Cela fait 222 ans que la famille Stämpfli dirige l’entreprise. Une histoire marquée par des succès, des femmes courageuses qui se surpassent, mais aussi par la ­maladie et les dures années de guerre. En bref, tout ce dont Netflix pourrait faire une série historique captivante. Pour l’instant, une rétrospective de quatre pages devra suffire.

Que peut être un été, dans nos souvenirs ? Eternel, romantique, facilitateur d’un nouveau départ. Et parfois, un seul été peut même donner une nouvelle orientation à tout un lieu de travail. 1799 a dû être un tel été à Berne. A cette époque, un jeune homme, Gottlieb Stämpfli, se tenait devant sa nouvelle propriété : les trois presses à main en bois de la Postgasse à Berne. Peu avant, le 19 août, la chambre administrative de Berne l’a nommé nouvel imprimeur officiel «obrigkeitlicher Drucker». Le jeune homme de 29 ans devient ainsi le nouveau propriétaire de l’imprimerie, qui existe depuis 1599. Mais il est surtout le premier représentant de la ­famille Stämpfli qui sera encore à la tête de l’entreprise cinq générations plus tard.

 

Je me demande si Gottlieb Stämpfli savait ce qu’il était sur le point de mettre en marche. On peut supposer que ses pensées à ce moment-là tournent autour de questions bien plus banales : comment puis-je faire tout ce que les autorités bernoises veulent que je fasse ? Dans les premières années, il a imprimé tout ce que ses presses pouvaient produire : décrets politiques, manuels scolaires, la Bible. Plus tard, avec l’abolition des privilèges d’Etat, un nouveau monde s’est ouvert en matière d’impression. Dans la Stämpflische Buchdruckerei, comme on l’appelait à l’époque, il n’y avait pratiquement rien qui ne passait pas par les presses – parfois même des timbres-poste et des billets de banque. Et bien plus tard, l’imprimerie Stämpfli devient une entreprise de communication moderne. Comment cela a-t-il pu arriver ?

 

Les femmes s’affirment très tôt

Le fait que les choses soient devenues ce qu’elles sont aujourd’hui est lié aux personnes, bien sûr. Notamment à des personnes qui sont intervenues avec courage et au bon moment. Le premier grand changement de cap s’est imposé dès 1807. A cette époque, Gottlieb Stämpfli décède à l’âge de 37 ans seulement et 8 ans après avoir repris l’entreprise. Sa veuve, Marie Albertine Stämpfli, prend la relève. Elle perd alors le privilège d’imprimer pour l’Etat au profit de son concurrent Albert Haller. Ce dernier, en revanche, lui accorde un autre privilège qui lui sera particulièrement profitable par la suite : celui d’imprimer des calendriers historiques. Parmi eux, le « Hinkende Bot », l’un des plus anciens ouvrages d’édition et, pendant de nombreuses années, une importante source de revenus pour Stämpfli. Aujourd’hui encore, il est publié chaque année par la maison d’édition de l’entreprise.

 

L’histoire du décès prématuré des propriétaires de l’entreprise se répète encore deux fois. Deux moments où, à nouveau, les veuves montent au créneau. Emma Stämpfli-Studer s’avère être une figure particulièrement influente. Après le décès de son mari Karl Stämpfli en 1894, elle dirige l’imprimerie. « C’était une véritable entrepreneuse, même si on ne l’avait jamais dit à l’époque », déclare Peter Stämpfli, arrière-petit-fils d’Emma Stämpfli-Studer. On peut supposer qu’elle avait déjà pris une part active dans les responsabilités de l’entreprise du vivant de son mari.

 

Les clés du succès

Des personnalités entreprenantes qui s’engagent – et savent fidéliser les autres. C’est l’un des facteurs de réussite de Stämpfli. « Il a toujours été question de connaître et de mettre en relation les gens », déclare Peter Stämpfli. Ce talent était particulièrement partagé par le couple d’entrepreneurs de troisième génération – Karl et Emma Stämpfli. Un grand nombre de ces anciennes relations d’affaires perdurent encore aujourd’hui. Par exemple, celles avec le Club Alpin Suisse CAS qui datent de 1871. La Mobilière et la Fédération suisse des sapeurs-pompiers sont d’autres contacts séculaires. Le Canton de Berne fait toujours partie de ses clients, comme aux premiers jours.

 

L’autre élément important de la réussite : Stämpfli est toujours en phase avec son temps. Cela était déjà évident en 1846, lorsque 14 charrettes tirées par des chevaux ont livré la première presse rapide à Berne. Une véritable révolution qui remplace les presses à main lentes. Stämpfli développe ensuite un autre secteur désormais indispensable au groupe : l’édition. 1909 voit paraître la première édition du précurseur de l’actuel « Commentaire bernois ». Dès lors, la jurisprudence et la maison d’édition Stämpfli sont un couple inséparable. Des séries telles que le « Commentaire bernois » sont devenues des ouvrages de référence et sont indispensables dans la pratique juridique actuelle. Très vite, la maison d’édition s’oriente vers un avenir numérique : dès les années 90, des produits électroniques et des plates-formes à contenu juridique ont fait leur apparition. Cela comprend également une participation importante dans Swisslex (Banque suisse de données juridiques SA). Depuis de nombreuses années, la division des livres spécialisés connaît également un grand succès.

 

Bâtiment Hallerstrasse 7–9 dans la Länggasse dans les années 1960

La salle des compositions au 2e étage, à l’âge du plomb. Les boîtes de composition et l’habituel tablier que devaient porter les compositeurs sont clairement visibles.

Le bâtiment Hallerstrasse 7–9 pris depuis le Malerweg (au premier plan). Devant le bâtiment se trouve encore le Druckereiweg, qui a disparu avec l’extension de 1970

Nouvelle entrée principale après la grande transformation de 1970 avec le nouveau logo

Nouvelle orientation

Plus de 200 ans d’histoire montrent que malgré l’existence d’une maison d’édition bien développée et, plus tard, d’un département de conception de livres, l’entreprise a progressé grâce à ses nouveaux procédés d’impression. La situation était la même il y a une trentaine d’années. Stämpfli reste une entreprise d’impression dans l’âme. La sixième génération autour de Peter et Rudolf Stämpfli fixe un tout nouveau cap. En 1996, ils mettent en œuvre la nouvelle stratégie : en phase avec la numérisation, Stämpfli laisse les clientes et les clients décider – au début de la chaîne de création de valeur. « Il était clair pour nous que nous devions agir », déclare Peter Stämpfli. « En nous concentrant uniquement sur l’imprimerie, nous serions très vite devenus interchangeables. » Stämpfli s’établit alors comme une entreprise de communication complète. Prête à façonner le monde des communications pour de nombreuses années à venir. Et prête au cas où Netflix viendrait frapper à la porte.